lundi 24 mars 2014

20 ans


Il y a 20 ans, j'avais 25 ans ils avaient 27 et 50.
Il y a 20 ans, tous les trois avons été licencié au même moment.
Il y a 20, nous deux étions insouciants et sans peur, lui voulait finir en beauté une carrière commencée à 14 ans et nous, nous voulions la lancer avec lui.
Il y a 20, nous nous sommes unis, et avons créé notre société, nous sommes partis avec presque rien mais plus qu'aujourd'hui.

Durant 20 ans, nous avons eu un démarrage fulgurant, nous nous sommes serrés la ceinture quelques mois mais à 25 et 27 ans ces quelques mois ne représentaient presque rien.
Durant 20 ans, nous avons eu 15 ans de lune de miel, de l'argent, ce qu'il fallait mais pas trop, de quoi gâter tout le monde, d'aider, d'offrir, de partir, de bâtir, de fêter, d'imaginer, sans jamais oublier d'où l'on venait.
Durant 20 ans 45 personnes sont venus travailler quelques mois ou quelques années, nous avons vu des bébés arriver et grandir, des divorces mal se terminer, des épouses à consoler, des pensions à payer, nous avons ramassé quelques personnes qui avaient chuté, nous avons offert un toit quand il en manquait, des repas quand ils avaient faim, la possibilité de revenir après une peine purgée, payé des pensions, des impôts, des PV, fait des prêts quand il le fallait, nous avons été nous mêmes, justes, honnêtes, peu être un peu trop. Nous avons rit et pleuré, nous avons marié et enterré.

Durant 20 ans, la crise s'est installée, la trésorerie à filée, les salariés ont démissionné, il a fallu me licencier, au bout de 20 ans sur les 3 il n'en reste qu'un, il et elle sont partis, l'un pour une retraite bien méritée, l'autre à la recherche d'une autre carrière qu'elle aimerait bien mener.

Au bout de 20 ans il ne reste presque plus rien, il reste lui, qui y croit encore un tout petit peu mais qui devra prochainement écrire le mot fin.




jeudi 20 mars 2014

Voyage dans le temps





Pour revenir à plus de légèreté mon fils hier m'a posé une question :

"Maman, si tu pouvais voyager dans le temps, tu choisirais de retourner ou ?"

Oh la la, mais qu'elle question ! Je n'ai jamais été passionnée par l'histoire de France, seules les histoires drôles me plaisent et comme mon père me disait toujours, on ne bâtit pas son avenir sur des regrets, pas de possibilité de retour arrière. Mais le p'tit truc ne lâche jamais rien, il me dit "vas-y maman, tu dois choisir un moment". 
Je lui ai donc répondu, si je devais aller en arrière, je voudrais être sur les marches du commissariat ou tu as été laissé et dire à la personne qui t'a abandonnée de ne pas le faire que je peux peut être l'aider.
Il me répond "oh non maman, ça voudrait dire que tu ne serais pas ma maman" oui c'est bien ça, je lui explique que je serais prête à ne pas être sa maman. Il me regarde et me dit "ça ne me plaît pas du tout, dis lui autre choses parce que je t'aime trop et j'aime être ton fils".
Je lui dis alors, que je demanderai à cette personne de lui laisser une photo de sa famille, son nom sa date de naissance et une explication afin qu'il se construise sur une histoire et surtout je lui dirais, ne vous inquiétez pas, je l'aimerai plus que tout et il sera heureux"
Il me regarde et me dit "Ah ça c'est super, c'est même parfait maman et comme toi tu as fait ça moi du coup maintenant je peux aller voir comment c'était au moyen âge, ça me plairait trop"...

Je me demande si avant d'aller au moyen âge, il n'avait pas envie de la même chose que moi.




lundi 17 mars 2014

Déménagement

J'avais écrit ce texte il y a deux ans le soir de la remise des clés à un jeune coupe qui allait construire sa nouvelle vie dans leur ancienne maison. Mes parents étaient chez moi et dormaient dans la pièce d'à côté. Je voulais laisser une trace de la vie que nous avions eu tous les 4.





Ce soir une maison est vide, les meubles attendent tranquillement dans un camion et les occupants ont fermé la porte sur 31 années de vie.
Cette maison, c'est celle qui est venue tenir compagnie à celle du bout du chemin, elle a été imaginée et dessinée avec de la réflexion, ils avaient même pensé y finir leur vie, mais la vie réserve parfois des surprises qui font changer les plans élaborés 30 ans auparavant.
Dans cette maison 31 années de bonheur se sont déroulées. Elle les aura fait suer, jardiner, terrasser, décorer.
Elle aura servi de modèle pour un catalogue de papier peint, elle y aura entendu des rires de petites filles et des cris d'adolescentes. Elle aura abrité des amours, des amitiés, des pleurs. Ses murs, plafonds ou portes auront même parfois soufferts de quelques coups ou jets d'objets.
Cette maison avait toujours la porte d'entrée ouverte, jamais une clé n'est venue verrouiller la serrure afin que les amis ou la familles puissent ouvrir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Elle aura accueilli des fêtes, des anniversaires, des motos ayant besoin de révision. Son barbecue aura servi un nombre incalculable de fois et les plus grands plateaux de fruits de mer auront été servis.
Une future mariée s'y est préparée dans la chambre de ses parents, la plus grande, avec un grand miroir.
Une jeune maman son bébé et son mari y auront trouvé refuge pendant 9 mois en attendant que leur maison à eux se construise.
D'autres petites filles auront joué avec les anciennes poupées et barbies de leurs mamans. Des petits garçons aussi ont appris à jouer aux dames avec papi.
Difficile de la quitter ? Probablement, surement même.
Aujourd'hui ils attendent de pouvoir rentrer dans la nouvelle et déjà ce soir ils parlaient de ce qu'ils allaient y faire dedans.
Ils se sont rapprochés de leurs filles comme eux l'avaient fait auparavant en se rapprochant d'une maman.
J'aime à dire que nous sommes tricotés serrés et que ce qui compte c'est que nous ne soyons pas trop éloignés les uns des autres.
Nous avons été heureux dans cette maison, mais le bonheur s'emporte partout.
L'essentiel c'est que malgré toutes ces années, l'amour que l'on se porte soit toujours aussi fort et que l'on ne puisse imaginer vivre sans cet amour.
Une nouvelle vie va s'écrire dans la maison de l'impasse des Jonquilles, des petits enfants viendront y jouer avec le futur billard ou baby foot que papi a promis, y déjeuner. Des filles viendront plus souvent pour boire un petit café, discuter au coin d'une table avec une maman qui fermera la porte pour ne pas qu'il entende. Des gendres viendront y aider pour bricoler et apporter des conseils qu'il n'écoutera probablement pas.
A nouveau cette maison va être décorée, on va y jardiner et des fêtes vont y être données pour les voisins que l'on a quitté. Elle abritera des confidences d'adolescentes et des jeux de petits garçons mais surtout elle y abritera deux parents extraordinaires que la vie a un peu fragilisés.

vendredi 14 mars 2014

Seule sur la route

Le printemps arrive déjà, le soleil commence à chauffer, les jonquilles sont de sortie et déjà on  pense à remiser les manteaux dans les armoires pour sortir les gilets.
Le temps passe, indubitablement et j'ai l'impression qu'il file sans moi, que je reste sur le chemin, je vois tout le monde avancer, passer devant moi s'éloigner et moi j'ai le sentiment de rester, comme figée par le temps.
De nombreux mois viennent de s'écouler, les larmes ont abîmées mes yeux, grisées ma peau, creusées mes rides, enlevées mon sourire.
J'ai essayé de mettre mon cerveau sur pause, mais un vilain acouphène vient de s'installer depuis des semaines, alors quand j'essaie de trouver le calme, les sifflements envahissent ma tête.
Il faut apprendre à faire le deuil, mais comment faire le deuil d'une personne vivante ? Il est là, il me voit, m'entend, ressent, souffre de ressentir, mais ne veut plus sortir de sa bulle dans laquelle il s'est enfermé depuis de longs mois. Parfois, j'ai le sentiment d'être au milieu de l'océan, je veux survivre mais à chaque fois que je sors la tête de l'eau une vague revient et me renvoie dans le fond.
Je sais que j'ai de la résistance, mais pour combien de temps ?
Combien de temps il va me falloir pour ne plus te regarder sans pleurer, ne pas avoir peur de passer du temps à tes côtés, accepter l'inacceptable et arriver à regretter que ce jour là n'était pas ton jour.
J'étais prête à la dégradation, j'étais prête à la perte d'autonomie, j'étais prête à accepter, j'étais prête à ta mort mais je n'étais pas prête au suicide.
Ce vilain mot, celui qui fait comprendre que stop, c'est terminé, je ne peux plus et ne veux plus continuer. Ma vie doit s'arrêter je n'ai plus d'armes pour combattre cette maladie. Nous n'avons pas eu besoin de te dire qu'il n'y avait plus d'espoir thérapeutique, ton cerveau rend malade ton corps mais il te laisse encore parfois la capacité de comprendre, de raisonner et d'envisager.
Je pensais être la plus forte des 3 mais finalement je suis probablement la plus faible. Je n'ai jamais été dans le déni mais aujourd'hui je suis dans la souffrance. Je n'accepte pas ta chute brutale, provoquée. Je déteste le fait de ne pas pouvoir t'en parler, je déteste l'état dans lequel tu t'es plongé et se sentiment que je t'en veux, un tout petit peu.
Je ne suis pas contre ceux qui se suicident, mais après pour ceux qui restent, il reste une souffrance tellement grande. Je comprends et j'accepte son geste, il me renvoie juste à ma propre vie, mon propre avenir, je me dis que si il a eu le courage de le faire alors moi aussi, si un jour je me trouve sans force et sans envie de continuer je le ferai et je ferai souffrir ceux qui m'aiment. Je déteste cette violence, cette acte soudain.

En ce moment en France, il y a un grand débat pour l'euthanasie assistée. Je pense qu'il faut vraiment ouvrir notre esprit à cet acte, ça ne rend pas la disparition d'une personne aimée moins douloureuse, mais ça prépare l'entourage à une disparition moins violente, moins choquante et surtout cela évite les actes manqués et les cicatrices ouvertes dans le coeur.