mardi 29 avril 2014

DIEU

Ce soir là était un soir comme les autres, l'école avait repris, le goûter pour lui était terminé et on faisait déjà les conjugaisons des verbes du deuxième groupe et la grande était rentrée du lycée et commençait à raconter sa journée.
Puis, elle dit, "tu es au courant que la maman de Thomas est décédée" ?
Mon coeur s'est mit à battre plus fort, Guilène qui avait été des années mon binôme dans les conseils de classe du collège et qui avait lutté deux fois contre un cancer n'avait pas gagné la bataille. La tristesse forcément s'est vue sur mon visage, j'étais triste pour elle et pour ses enfants, cette maman était bien trop jeune pour les laisser.
Puis la soirée s'est déroulée normalement, il est allé jouer chez son cousin, elle a fait son sport et son travail scolaire et moi j'ai préparé un bon petit plat pour mes amours, j'avais envie de cuisiner pour palier à toutes les fois ou l'envie n'était pas là.
L'homme est rentré, de bonne humeur, envie de parler avec moi, ça faisait longtemps que nous n'échangions plus trop, les difficultés des derniers mois nous ont un peu éloignées.
Après le repas, il est allé câliner son papa, s'est blotti dans ses bras et une fois de plus tant d'amour à fait surgir des larmes.
Il s'est alors approché de moi, il avait besoin de vider son sac beaucoup trop lourd pour ses épaules.

"Maman, je suis fâché avec Dieu, tous les soirs je prie dans mon lit mais à la fin je lui dit "Pas Amen" au lieu de "Amen"."
Je l'ai rassuré, je lui ai expliqué que l'on avait le droit d'être fâché avec Dieu, qu'il pouvait tout entendre les bonnes comme les mauvaises choses.
"Oui mais je ne veux plus croire en lui".
 Je lui ai répondu que son papa ne croyait plus en Dieu non plus et que ça ne l'empêchait pas d'être une bonne personne.
Mais plus je parlais et plus il pleurait, des sanglots très fort, une tristesse infinie.
Il m'a alors dit, "mais j'ai peur que tu meures parce que je ne suis pas gentil avec Dieu".
Je l'ai rassuré en lui disant que si je devais mourir il n'en était en rien responsable qu'il prie ou pas, qu'il soit fâché ou pas après Dieu. Que malheureusement dans la vie les gens meurent mais que c'est de la faute de personne". Il m'a alors dit "si, c'est la faute de Dieu".
J'ai tenté de le rassurer, de trouver les mots, de le rassurer sur la mort, ma mort que je ne souhaitais pas tout de suite mais quand je serai très vieille comme sa mémé et je lui ai donc proposé que tous les soir, on fasse la prière tous les deux à haute voix pour le rassurer et qu'à la fin nous n'étions pas obligé de dire Amen mais autre chose, soit bonne nuit, ou merci ou à demain.
Il a fini par se calmer et au moment du coucher, nous avons prié à trois avec sa soeur qui est restée allongée près de lui. Il a voulu dire à Dieu qu'à partir de maintenant il essaierait de ne plus être fâché. Sa nuit a été paisible et du coup la petite souris qui avait oublié de passer les deux derniers jours à mis des intérêts de retards ce qui l'a rendu fou de joie le matin.

Forcément, mon coeur de maman a été ravagé par sa détresse. J'ai essayé de protéger mes enfants de mon chagrin durant ces derniers mois, nous parlions de leur grand père, mais il m'a été difficile de cacher ma tristesse lorsque je pensais qu'il ne vivrait pas.
Il m'a dit qu'il faisait des prières depuis que son papi était à l'hôpital et qu'il me voyait malheureuse et il disait à Dieu qu'il était fâché après lui de faire ça à son papi et sa maman. Mais surtout, il m'a dit qu'il ne supporterait pas de me perdre, j'ai senti dans sa tristesse une douleur immense, un équilibre encore fragile finalement.
J'avais reculé l'entrée au catéchisme d'un an afin de lui permettre de ne pas cumuler les activités, mais il m'a demandé qu'à la rentrée prochaine il voulait comprendre Dieu et faire son catéchisme. Je pense que nous irons parler à la catéchèse et au prêtre afin qu'il puisse être en paix avec ses prières des mois passés.

Je commence tout juste à trouver la paix avec tout ce qui s'est passé ces derniers mois, je reconnais que ma douleur était si grande que je suis passée à côté de l'accompagnement de mes enfants, avec ma douleur je les ai indéniablement renvoyé à leur douleur future s'il m'arrivait malheur.
Aujourd'hui, je pense que nous devrons parler tous ensemble des derniers mois et surtout avec lui, parce qu'il aura toujours en lui ce sentiment d'insécurité et d'abandon, cette cicatrice est malheureusement toujours fragile et prête à s'ouvrir.





dimanche 20 avril 2014